

INTERVIEW TONQUEDEC
Deux jeunes lectrices de Pif, Béryl et Mélina, qui sont collégiennes, vont mener l’interview.
Elles ont vu le film Les blagues de toto et ont adoré. Elles ont plein de questions à vous poser.

Est-ce que vous lisiez Pif quand vous étiez jeune ?
Quand j'étais petit, oui, je lisais Pif, qui s'appelait Pif gadget et il y avait un petit cadeau quand on achetait le journal. Je ne sais plus ce que c’était, il y avait des goodies.
Je me souviens, il y avait un petit sifflet (NDLR : le sifflopif) ou plein de cadeaux, et je le lisais quand j'étais petit avec mon frère.
Vous voudrez partager Pif avec vos enfants ?
Non, mes enfants n'ont pas lu Pif. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, je me demande si ça existait encore. Est-ce que ça a disparu un moment et c'est revenu ?
Oui, ça a disparu un moment et puis ça a été repris.
Donc je ne me trompais pas.
Dans la vie, vous êtes plus Pif ou Hercule ?
Je suis un mélange des deux, je crois.
Entre quelqu'un apparemment très sérieux, travailleur et poli, et une espèce de folie à l'intérieur, un peu déréglé, mais c'est pas mal d’être un mélange des deux, ça permet de laisser exploser ta folie quand elle arrive.
Comme tout le monde, quand j'étais petit, j'ai fait de très grosses bêtises, et jamais on ne me soupçonnait, parce que j'ai une tête de premier de la classe. Donc c'était très pratique. Mais je n'étais pas premier de la classe, j'étais un élève moyen. J'ai eu beaucoup de mal à apprendre à lire et à écrire.
En CP et CE1, j'avais de très mauvaises notes, on mettait un point par faute aux dictées, je ne sais pas si vous en faites encore, nous on en faisait beaucoup.
Ce qui était bien d'ailleurs pour apprendre l’orthographe, c'était noté sur vingt, et à chaque fois j'avais zéro parce que je faisais soixante fautes sur une dictée d’une page ou deux.
Un jour je n'ai eu que vingt fautes, donc j'ai eu juste zéro.
Et j'avais toujours zéro. Mais pour moi, c'était une vraie victoire, parce que je n'avais fait que vingt fautes au lieu de quarante ou soixante fautes.
Et du coup, j'ai complètement réappris à lire et à écrire en classe de quatrième, troisième, je pense vers votre âge, au collège.
Parce que quand j'ai décidé de devenir comédien, je me suis dit que je ne pouvais pas ne pas maîtriser les mots, ne pas savoir écrire, ne pas savoir lire.
Tu vois, quand je lisais à voix haute, je bégayais : « Bonjour, ma-ma-madame, co- co-comment allez-vous ? », je lisais, comme ça, vraiment.
Et en quatrième, troisième encore, donc c'était un vrai problème, je me suis dit que si je voulais faire ce métier-là un jour, lire des textes devant des gens, il fallait que je connaisse les mots.
Et en fait, c'est l'imaginaire des auteurs qui m'a sauvé, qui m'a donné envie d’apprendre les mots. Ce sont les histoires, et du coup j'ai réappris à lire et à écrire, et l'orthographe, la grammaire, en quatrième et troisième, avec ma prof de français de l’époque, à qui j’ai demandé de me donner des cours supplémentaires en dehors des heures de classe.
C'est devenu une amie d’ailleurs, cette prof.
Donc ça a changé ma vie. Je te fais une réponse très longue, mais comme ça, tu sauras.
Un jour, je jouais au théâtre une très belle pièce, qui s’appelle La garçonnière, de billy wilder, un auteur américain, et une dame est venue me trouver à la fin de la représentation, me disant : « J'aimerais faire un livre sur votre rapport à la littérature, comment ça s'est passé pour vous, les auteurs que vous aimez ». Et je m'apprêtais à lui dire non en mon for intérieur, parce que ça a toujours été un cauchemar pour moi, l’école.
Apprendre à lire, à écrire. Horrible, mais vraiment horrible. J'étais hyper timide. J'ai toujours été au fond de la classe.
Quand tu es au fond de la classe, tu ne vois pas bien le tableau, je voyais mal en plus. Donc, ce n'était vraiment pas pratique pour apprendre.
Quand j'ai réappris à lire et à écrire, ça a été une libération pour moi, c'était la fin d'un cauchemar. Mais quand j'étais petit, c'était une vraie torture. Je ne l’ai même pas dit à mes propres parents.
Je m’apprêtais donc à dire non à ce livre.
Et finalement, j'ai dit à cette dame, qui s'appelle Caroline Glorian, que si elle voulait bien l’écrire, et que ce soit plus un témoignage de combien ça a été difficile pour moi, pour que ça puisse aider au moins un enfant, qu’il puisse se dire: « Cet acteur là, ça a l'air d'être facile pour lui, il a fait des films, des téléfilms, il joue au théâtre. Facile pour lui. Ce n’est pas comme moi qui galère ».
De lui dire, mais en fait, je reviens de loin, j’ai eu beaucoup de mal à apprendre les mots et pourtant, je les utilise tous les jours.
Donc, j'ai raconté ça dans un livre qui s'appelle Les portes de mon imaginaire, l’imaginaire en référence à l'imaginaire des auteurs qui m'ont fait rêver et qui m'ont donné envie de jouer et de devenir comédien. Voilà, c'était une très longue réponse. Pardon.
C’est comme ça que vous avez voulu faire du théâtre ?
Alors, c'est bizarre parce que j'étais très timide quand j’étais petit.
Quand j’allais à l'anniversaire de mes copains, avec ma mère, on sonnait à la porte, je donnais les cadeaux à mon copain et je repartais avec ma mère. J'avais tellement peur de rester avec tous les autres, de ne pas savoir quoi leur dire, de me sentir mal, d'être ridicule, toutes ces idées qu'on a quand on n’est pas bien dans sa peau, que je ne pouvais pas rester.
Je préférais assumer la honte de repartir avec elle - parce que ce n'était pas très sympa pour mon copain ou ma copine qui m'avait invité - que le malaise de me sentir mal avec les autres.
Et pourtant, depuis l'âge de dix ans à peu près, je rêvais d'être acteur. C'était décidé dans ma tête. Tu vois, c'est bizarre, mais évidemment, je n'en parlais à personne parce que j'étais trop timide.
Et un jour, cette fameuse même prof de français a vu qu’il y avait du théâtre au programme. Elle a dit : « Le théâtre, c'est fait pour être joué, on va faire venir une prof de théâtre au collège et vous allez jouer les pièces qui sont au programme ».
Et moi, j’étais surexcité, enfin j’allais pouvoir faire du théâtre au collège, parce que jamais je n'aurais osé pousser la porte d'un cours de théâtre, tellement j'étais timide.
Le théâtre est venu à moi, il faut aussi de la chance dans la vie.
Je me souviens très bien de la première fois où j'ai joué devant mes copains, même de la sensation physique de m'élever vers le ciel, de me sentir léger, joyeux, vraiment profondément heureux, de cette sensation physique. C'est vraiment ça que je ferais.
Et je pense aussi que cela vient du fait que maintenant, tout le monde a la télé.
La télé, à l'époque, quand j'étais petit, beaucoup de foyers français n’en avaient pas, c'était cher, pas forcément accessible.
Et un jour, mes parents ont loué notre première télé.
C'était en noir et blanc. Tu vois, je parle d'un temps, au siècle dernier !
Et donc, j'ai été émerveillé par la petite boîte, pas forcément parce que je voyais dedans, je trouvais ça super, mais surtout parce que je voyais mes parents regardant cette petite boîte et réagir, parfois ils étaient émus et versaient une larme ou ils riaient. Je me suis dit : c'est génial, elle est magique, cette boîte.
Si un jour, moi aussi, je pouvais être dans la boîte et raconter des histoires aux gens en étant comédien, j'adorerais faire ça.
Le pouvoir de la boîte est incroyable, surtout pour un timide !
En fait, jouer la comédie, c'est devenu la revanche du timide. J'ai toujours été timide, je n'ai jamais osé être regardé. Pourtant, quand tu fais un film, quand tu joues une pièce, il y a peut-être deux cents, trois cents, jusqu'à mille cinq cents personnes au théâtre qui te regardent tous les soirs.
Quand on joue la pièce La garçonnière, il y avait mille cinq cents personnes, ce qui est beaucoup, et quand tu fais un film, tu peux avoir des milliers, voire des millions de personnes qui le voient. Donc, c'est bizarre, ça peut paraître contradictoire pour un timide, mais en fait non, parce que tu es caché par les mots des autres, par les pensées de l’auteur.
L'auteur, il a écrit un personnage, ce n'est pas vraiment toi. Donc, tu peux te cacher dans ton costume, tu peux te cacher dans les mots du personnage. Tu peux te cacher et te révéler beaucoup aux autres. J’ai adoré et j'adore toujours ce métier-là, mais maintenant, j'aime aussi pour d'autres raisons. Mais je te raconte vraiment le tout départ, comme tu as demandé.
Quelle est votre plus grande bêtise enfant ?
Ahah, je peux le raconter. J'étais au lycée, tu imagines !
J'avais une prof de français qui s'appelait Mademoiselle Grégoire, qui était toujours tirée à quatre épingles, dans des petits tailleurs bleu marine très chics.
J'étais dans l'enseignement public, au collège et au lycée de Marly-le-Roi, dans les Yvelines. On ne lui connaissait pas de mari, elle avait toujours un chignon très bien fait. Et elle avait une petite voiture, une petite autobianchi.
Elle venait toujours se garer dans la cour, et un jour, c'était la fin des cours, j’ai une idée à la con, mais qui était assez drôle. J’ai pris une grosse bûche qui était dans le coin, parce que le lycée n’était pas loin de la forêt, j'ai trouvé une grosse bûche qui devait faire cinquante cm de long et assez large. Et je l'ai mise derrière sa voiture, avec des copains. Et je rêvais d’une chose, c'est de me cacher derrière le mur, puisqu'il n'y a plus personne dans la cour, de voir Mademoiselle Grégoire, avec son petit tailleur, essayer de pousser la bûche.
C'était idiot, tu vois. Et puis, évidemment, on irait l'aider. Ça va durer une minute, le temps de voir qu’elle allait essayer de la pousser, qu’elle n’y arriverait pas, parce qu'elle était très lourde et on viendrait l'aider. Et, en fait, Mademoiselle Grégoire n'a pas vu la bûche, elle est montée dans la voiture, elle a démarré et elle a buté contre la bûche. Elle a senti qu’il y avait quelque chose, mais elle a réaccéléré, sa voiture est montée sur la bûche et elle s'est retrouvée avec la bûche coincée sous sa bagnole, avec les deux pneus avant seulement, qui touchaient encore le sol.
Nous étions hyper emmerdés, vraiment hyper emmerdés.
Du coup, on a joué la surprise, évidemment. On ne pouvait pas dire que c'était nous. Et puis on l’a aidée, on l'a sortie de la voiture et elle n’avait rien, heureusement, rien du tout. Elle rigolait, en disant qu’elle n'y connaissait rien à la mécanique, et nous a demandé de l’aider. C'était très drôle pour nous.
On a réussi à soulever la voiture, on était plusieurs, on a enlevé la bûche et elle a pu repartir. La voiture n'avait rien non plus, mais après, on a été convoqué par le proviseur. Et même là, sur ma bonne mine, je n'ai même pas été puni, tellement les gens devaient penser que je ne pouvais pas faire des choses pareilles. Pratique d’avoir une bonne tête, comme Toto. Je connais bien les blagues de toto, ça me parle.
Vous avez fini par dire que c’était vous ?
Je crois qu'on a fini par le dire. Et on a juste été convoqué. En plus, on était aidé, car on était plutôt en tête de classe, plutôt des bons élèves. On était très travailleurs. Moi, j'avais trouvé le théâtre, j'avais trouvé ma voie. J’étais heureux au collège, lycée, j'avais une très belle bande de copains. Tu vois, le timide était sorti de sa coquille.
Franchement, on était bien intégré. Les profs nous aimaient vraiment beaucoup. Et nous, on aimait l'école, on aimait apprendre, c’était chouette. Donc, on était tout sauf soupçonnables.
Les cancres, on aime bien taper dessus, ce sont les souffre-douleur des autres élèves, des profs, et du lycée, et éventuellement de l’administration, mais nous, on n'était pas du tout là-dedans. Donc, tout le monde était emmerdé, en fait, par cette histoire.
Combien de temps a duré le tournage du film Les blagues de toto ?
À peu près six semaines.
Le temps de tournage n'est pas ce qui est le plus long dans le processus de construction du film.
Ce qu’il y a de plus long, c'est souvent l’écriture. On a tourné deux Toto.
Il y a eu un premier Toto il y a deux ans, et puis il y a ce deuxième opus qui sort. Il faut à peu près un an, voire deux ans, pour écrire un film. C'est très long.
Et après, le tournage lui-même, six semaines. Et après, il y a tout ce qu'on appelle la post-production, c'est une fois qu'on a toutes les images, il faut choisir les meilleures, les monter, les mettre ensemble, ajouter la musique, refaire certaines parties du son, préparer la campagne de commercialisation du film, tout ça. Donc, c’est très long.
Le tournage n'est pas forcément la partie la plus longue, donc à peu près six semaines.
Et il y a un truc un peu particulier sur ce film-là, pour Anne, qui joue la maman de Toto, et pour moi. C'est que, comme les deux parents se cachent dans la forêt, pour observer de loin, à la jumelle, comme vous l'avez vu, leurs fils et les autres enfants, on tournait très peu, voire pas du tout, avec les autres enfants. On a surtout tourné Anne et moi, comme si c'était un film à deux presque, et on observait de loin les autres.
Dans le film, comme les scènes sont mélangées, on a l'impression qu'on est ensemble, mais pas du tout, on était vraiment très séparés, ce qui ne nous a pas empêché de rencontrer Toto, parce qu’on a eu des jours en commun, où on tournait des scènes différentes, mais le même jour, et on était tous ensemble sur la cantine du film, ou dans les mêmes lieux, comme à l'hôtel, et on se retrouvaient de temps en temps pour partager un repas tous ensemble, par exemple.
Comme vous n’avez pas beaucoup tourné avec les enfants, comment ça se passait le tournage des scènes, la concentration, avec eux ?
C'était un tournage très, très joyeux. En France, il y a des lois qui protègent les enfants, et c’est tant mieux. Tu ne peux tourner qu’un certain nombre d'heures par jour. Un adulte peut tourner huit heures par jour, plus des heures supplémentaires, donc, ça peut être dix heures, douze heures parfois. Ça peut être très long. Les enfants sont très protégés. Selon les âges, tu ne peux tourner qu'un certain nombre d'heures par jour, quatre heures ou six heures, je crois.
Et plus tu es jeune, moins de temps tu peux tourner.
On avait le même problème sur le tournage de la série Fais pas ci, fais pas ça, dans laquelle je joue. Ils pouvaient être à la disposition du film un certain nombre d’heures. Et leurs parents étaient assez présents, les week-ends. La semaine, on demandait aux parents de pas trop être là. Par contre, ils avaient des précepteurs, c'est-à-dire l'équivalent des profs, qui venaient sur le tournage et faisaient cours. Ils devaient suivre des cours quand c’était la période scolaire, en tout cas, comme vous. Donc, ce n'est pas parce que tu vas pas à l’école que tu peux te passer des cours. C'est très fatigant pour les enfants pour le coup, ça fait des grosses journées. Parfois, cours le matin et tournage l'après-midi.
Quand ils n’avaient pas cours, ces fameux précepteurs, ils étaient là aussi pour les surveiller, les encadrer, et pour faire des animations avec eux. Ils ont fait des sorties et plein de trucs en dehors du tournage, pour apprendre à se connaître.
On a tout fait pour qu'ils soient mis en condition d'être une vraie bande de copains aussi dans la vie. Ils apprennent à se connaître et à s'amuser ensemble, et parfois, il y avait quand même des engueulades, on n’est pas de bonne humeur, plus fatigué, et ce fameux précepteur, il était là pour aider à ce que tout se passe bien.
On demandait aux parents de ne pas être toujours présents, parce que quand tes parents sont dans tes pattes, que tu dois jouer une scène où tu pleures, ou une scène où tu fais une bêtise, ce n’est pas toujours bien de savoir que ta maman ou ton papa est en train de regarder derrière et va te donner des conseils : « Mais tu l'avais bien fait à la maison, là, tu n'arrives pas à le faire ».
Donc, on demandait de ne pas se mêler du jeu. Et on ne leur donnait pas trop la possibilité d'être là.
S’ils insistaient vraiment, ils pouvaient, bien sûr, il n’y a pas de secret de choses atroces à cacher. C'était juste pour que les enfants soient totalement avec le metteur en scène, Pascal, et soient disponibles pour jouer. Ce n'est pas l'école, c'est un lieu pour eux. Ils ont décidé de faire le rôle et pas d’être surveillés par leurs parents.
Mais la bande était très joyeuse. Franchement, ils se sont bien marrés. Ils sont toujours copains dans la vie.
Et le premier Toto aussi, il s’appelait Gavril le premier Toto. Et toute la bande de copains a un groupe whatsapp, ils s’écrivent encore. Gavril, lui, il est devenu footballeur professionnel. Il avait trop grandi pour faire Toto, on ne pouvait plus croire que c’était un petit garçon.
Mais ils sont restés copains.
Vous n’avez pas fait cette scène, mais comment s'est passée la scène avec les lapins dans la ferme ?
Il y a un gars qui s'appelle Manu, qui est dresseur d’animaux, je le connais bien, car j'ai fait plusieurs films avec lui, dont un film qui s'appelle Roxane, où j'étais éleveur de poules pondeuses, le rôle principal. Roxane, c'était une poule, il l’avait dressée.
Et donc je l'ai retrouvé là, à l'occasion de ce film, et c'est lui qui a dressé le chien.
Et tous les animaux qu'on voit dans le film, c’est lui qui leur apprend. Il sait à l'avance les scènes qu’il va y avoir, et il répète des semaines, voire des mois à l’avance, parfois des années. Roxane la poule, il l'a eue dès qu’elle est née et il l'a habituée à l'être humain et à faire des choses, des actions, sans jamais la maltraiter, parce que l'animal, si tu le maltraites, il disparaît et se bloque.
Et donc pour l'habituer à être avec lui, il l’a eu dès la naissance.
Et là, c'était pareil pour les lapins et pour le chien. Il avait lu le scénario à l'avance, il connaissait les actions à faire et il les répétait avec les animaux, avant que les enfants arrivent. Et quand ils arrivent, il répète avec eux et les metteurs en scène.
Quand on tourne, on ne sait jamais ce qu'il va se passer avec les animaux.
C'est très rare que les animaux aillent exactement à l'endroit où on veut pour la caméra, ou exactement avec la réaction qu'on veut au moment où il faudrait. Donc, très souvent, on fait beaucoup de prises. Ça peut prendre beaucoup plus de temps qu'avec des acteurs, mais c'est aussi ça la magie, parce que quand la bonne prise arrive, toi tu as intérêt à être bon, parce qu’on ne refera pas la prise deux fois, on va donner priorité à l'animal. Mais ce sont toujours des moments assez incroyables et où toute l'équipe est très concentrée et aux aguets, pour ne pas louper la bonne prise. C’est toujours amusant, les tournages avec des animaux.
À la fin du film, il déverse un bidon plein de produits chimiques. C’était une substance assez bizarre et on voulait savoir ce que c’était ?
C’est l’équipe déco qui a fabriqué cette substance dégueulasse.
Le metteur en scène, Pascal, voulait vraiment que ça ait l'air sale, collant, désagréable, pour punir cette femme très arrogante, contre l'écologie et qui s'en fout, qui veut surtout gagner de l'argent.
Vraiment un personnage très négatif.
Plus elle était prise dans quelque chose d’apparemment désagréable, plus c'était amusant évidemment. C'est une vengeance pour tout le monde, à commencer par Toto.
Ils ont beaucoup travaillé, parce qu'il fallait que cette substance puisse aussi couvrir la piscine, sans couler au fond, c’était très compliqué du point de vue chimique.
Ils ont mis des semaines à trouver la bonne. Il y avait, je crois, de la farine dans le mélange, une espèce de colle, mais je ne saurais pas te dire exactement ce que c'est, mais ça a été un très gros travail pour réunir toutes les conditions pour fabriquer cette espèce de colle.
Tout ce qui était sur les produits chimiques, c'est l’équipe déco, la fabrication de tous les décors aussi. Par exemple, l’usine dans laquelle il y a tous les tuyaux qui tombent par terre, c’est une vraie usine qu'on a trouvée. C'est le sous-sol d'une piscine assez incroyable, dans lequel on a tourné avec Anne.
Mais ils ont rajouté beaucoup d'éléments qui étaient faux, dont notamment ces deux colonnes de couleur or métallique. En fait, ce sont des colonnes en carton qui sont enduites d'un faux métal pour faire croire que c'était lourd, mais en fait, ce n’est que du carton. C'est un métier passionnant aussi la déco. Là, c’est une belle maison à la campagne, sauf qu’il va falloir tout faire. Changer les volets, que la porte puisse exploser à un moment…
Avez-vous un rituel pour vous porter chance ?
Je travaille. Il le faut, la chance ne suffit pas.
On ne peut pas se dire : « Aujourd’hui, j'aurais de la chance ». Il faut travailler en fait, pour tout ce qu'on veut faire, même si on peut avoir de la chance aussi.
Mais il faut travailler. Pour moi, le meilleur moyen d'enlever mon trac ou de le diminuer, c'est travailler, de connaitre mon texte, c'est d'avoir essayé les costumes à l'avance et d'avoir réfléchi à la scène avec le metteur en scène, d’être prêt.
Quand tu fais une scène avec un animal ou des enfants, et que parfois, ce n’est pas exactement ce qui était prévu, mais ça peut être encore mieux que ce qui était prévu parce qu'ils vont inventer un truc incroyable, il faut être prêt à suivre, et ne pas se dire qu’on va arrêter parce qu‘il n’a pas dit le bon texte, ou qu'il est allé à gauche alors qu'il devait aller à droite.
Le gars de la caméra, il se dit : « Pourquoi tu as arrêté ? j'avais réussi à le suivre. Il n'est pas parti au bon endroit, mais j'avais réussi à suivre. Continuez à jouer ! »
Il faut avoir beaucoup préparé à l'avance pour, au dernier moment, être complètement libre et laisser son instinct l'emporter et faire comme si tout ça a été inventé, alors que tu as beaucoup travaillé avant.
Et pour les rituels, quand je joue au théâtre, j’aime bien chanter, je fredonne des chansons pour enlever mon trac. Et bâiller ! Figure-toi que c'est un très bon exercice de faire semblant de bâiller, d'ouvrir la gorge, ça détend tout l'appareil respiratoire et les cordes vocales. C'est très bien aussi pour préparer un grand oral ou une prise de parole en public. On va vous dire, vous vous endormez, mais pas du tout. Assumer de bâiller, c'est excellent pour la santé.
À retenir ! C'est vous qui chantez dans la scène ?
Oui, pour le coup, c’est moi, c’est Anne et moi. On a chanté ensemble et puis on l’a refait après en post-production. On a dû refaire les voies séparées, parce qu’après, tu as le montage image, si on avait fait la scène en entier, d'un bout à l’autre, on pouvait garder nos deux voix qui se chevauchent, qui chantent en même temps. Mais là, il y a des moments où on nous voit tous les deux, puis on ne voit que moi, ou qu’Anne. Comme on a fait ces prises séparément à d'autres moments de la journée, les sons n'allaient plus ensemble. Mais c'est bien nous qui chantons.
Avez-vous pris des cours de chant ou ça vous est venu comme ça ?
J’ai pris des cours de chant, justement pour ça.
J'ai fait le conservatoire. Je suis rentré à vingt ans, j’en sortais à vingt-trois ans, donc il y a très longtemps. C'est des cours que j'avais adoré. J'ai continué à en prendre après le conservatoire, et pour un autre film aussi, qui s'appelle Coexister, de Fabrice Éboué, mais pour le coup, j'ai été doublé dans le film, parce que c'était un trop haut niveau de chant.
Nous nous sommes beaucoup entraînés avec Anne et avec l'un des précepteurs, Christophe, qui s'occupait des enfants, mais il était aussi prof de chant. C’est lui qui m’a fait répéter.
Avez-vous des projets dans votre vie, des tournages ou autre, prochainement ?
Il y a la diffusion d'une série qui s'appelle Les filles du feu, sur France 2, qui raconte une histoire qui a eu lieu en France, au début du quinzième siècle, où des femmes ont été accusées de sorcellerie. Ça va être diffusé soit dans l'été, soit à la rentrée.
Ça arrangeait bien certaines personnes de les accuser de sorcellerie pour les condamner à mort et récupérer leurs biens, leur terre. Il y a eu tout un mouvement comme ça en France, ces malheureux et terrible. On a accusé certaines femmes de sorcellerie pour se débarrasser d'elles .
Est-ce que ça dérange votre femme quand, durant des scènes, vous embrassez une autre femme ?
Ça me dérange moi, déjà, pour commencer.
Parce que tu embrasses quelqu’un que tu ne connais pas, que tu n'as pas forcément envie d'embrasser et tu peux ne pas forcément bien t'entendre avec la personne.
Là, c'est une convention. On fait, on s'embrasse, mais pour être très clair, on ne met pas la langue, souvent ce sont des baisers sur la bouche, parce que c'est très intrusif. Tu ne fais pas ça, tu fais semblant de le faire, mais tu ne le fais pas.
Au mieux, c'est drôle, parce qu'on s'entend bien et qu’il y a de la complicité avec le comédien ou la comédienne.
Au pire, ça peut être vraiment désagréable, parce que c'est un contact physique dont tu n'as pas forcément envie.
Mais moi, à chaque fois, ça s'est plutôt bien passé. C’est très bizarre des scènes d'amour où tu te retrouves tout nu dans un lit. Alors on triche, on n’est pas vraiment nu souvent.
Ou alors, si on est nu, ça ne se voit pas, on cache avec des draps, sauf si le metteur en scène veut qu'on voie. Avant le film, on a accepté ce qu'on va voir exactement. Moi, je sais que c'est normal de demander exactement ce qui va se voir, tes fesses ou ton sexe, tes seins…
Il ne faut pas qu'on prenne par surprise. Ça m'est déjà arrivé moi, qu’un metteur en scène demande plus au moment du tournage. J'ai une amie comédienne qui a refusé. Le metteur en scène était fou de rage, mais elle avait raison. Donc c'est moi qui ai masqué le corps de la fille avec mon dos et mes fesses, pour ne pas qu'on la voit. On s'est arrangé comme ça, tu vois. Ça finit par être amusant quand il y a de la complicité qui se produit entre les deux personnes qui doivent le faire
On a bien remarqué que vous faisiez souvent des films comiques. On vous voit jouer souvent des papas. Voulez-vous changer de registre pour des rôles plus sérieux ?
C'est une bonne question, Mélina. En fait, avant ce film-là, est sorti au mois de février, un film qui s’appelle Arrête avec tes mensonges.
C’est un film beaucoup plus sérieux. Disons que je joue la vraie histoire de Philippe Besson, qui est un homme qui raconte comment il est tombé amoureux, à dix-sept ans, d'un de ses copains de lycée Donc c'est une histoire homosexuelle. Et comment ce copain n'assumait pas du tout son homosexualité, a fui, a disparu, et comment, des années plus tard, il va retomber sur le fils de son amour de jeunesse.
Il va apprendre à cette occasion, que son amour de jeunesse a eu une vie avec une femme, et a eu un enfant.
Et ça va être la rencontre entre cet homme jeune, ce fils qui commence sa vie et qui veut savoir qui était son père, car son père ne lui a jamais parlé de son passé, notamment homosexuel.
Et cet homme, qui devient un auteur célèbre, va qui va se pencher sur une partie de sa vie très importante, l’adolescence, où il a été traumatisé par cette histoire, cette relation d'amour, parce que son amour de jeunesse a fui, s’est caché, qu'il n'a jamais assumé ça. Très beau film.
Sérieux, pour le coup, et j'ai adoré faire ce film et j'ai envie en effet d'aller plus vers des rôles comme ça. Mais je garderai la comédie parce que j'aime trop ça. Mais tu peux aussi faire rire sur des sujets sérieux, qui ont un sens peut-être dramatique maintenant. Oui, j'ai envie de ça, oui c’est vrai.